Voyage au coeur de la finance offshore

L’activité bancaire est, dans toutes les juridictions du monde, une activité réglementée sujette à l’obtention d’une licence bancaire, qui est délivrée par une autorité de supervision, usuellement la banque centrale ou une autorité dédiée à la supervision du secteur financier, comme en France l’AMF.

Les licences bancaires et l’ouverture de comptes offshore

Dans la plupart des juridictions, il n’existe qu’une seule catégorie de licence bancaire, qui autorise l’activité bancaire avec les résidents de la juridiction où elle est délivrée. Il est d’ailleurs à noter que l’ouverture d’un établissement bancaire dans une juridiction donnée nécessite la délivrance d’une licence par cette juridiction : il n’est pas possible de s’y établir sous couvert de la licence bancaire d’une juridiction tiers.

Une exception peut exister en faveur des succursales bancaires, comme en Suisse, qui ne traitent pas avec le grand public de la juridiction, mais assurent simplement le suivi et le traitement des services et opérations de leur clientèle internationale, principalement d’entreprises, dans le pays donné.

Certaines juridictions à l’étranger, en particulier dans les juridictions qualifiées d’offshore, délivrent des licences ne permettant que de réaliser des opérations avec des non-résidents, après l’ouverture de sa société un étranger s’y rendant pour ouvrir un compte offshore en vue d’y déposer son argent et profiter de la manne fiscale y trouvera avantage. Dans ces juridictions la demande d’informations et documents pour ouvrir un compte bancaire y est parfois simplifiée.

Ces licences sont alors appelées licences offshore ; il peut même arriver qu’il existe des licences encore plus restreintes, dites licences offshore restreintes, qui ne permettent de réaliser des opérations qu’avec un nombre restreint de clients, unis par une communauté d’intérêts.

C’est le cas par exemple d’une banque intergroupe, qui finance exclusivement les projets d’une société appartenant à un groupe de sociétés, à l’aide de dépôt bancaire réalisé par les autres sociétés du même groupe.

Tous les établissements, offshore ou non, et même en Suisse, sont soumis à des règles qui conditionnent l’obtention d’une licence. Il faut tout d’abord disposer d’un capital de départ minimum pour les comptes.

Si celui-ci se compte généralement en millions de dollars, certains établissements offshore n’exigent une capitalisation que de 500,000 USD (voire 100,000 pour des licences restreintes) : ce minimum théorique ne garantit cependant pas l’obtention de la licence, la capitalisation devant être adaptée au volume d’affaires prévues, documents à l’appui.

Si, dans le passé, certaines juridictions, comme Nauru, Anjouan (île sécessionniste des Comores), ou même, pendant quelques mois le Monténégro délivraient des licences moyennant un dépôt d’argent de 10,000 USD auprès de la banque centrale locale, ces législations sont désormais abolies, et de toute manière, elles ne pourraient pas être reconnues internationalement.

D’autres critères tiennent à la quantité et à la qualité des équipes mises en place dans le pays où la licence est accordée. De ce fait, même des établissements offshore ne peuvent être purement virtuels, et doivent maintenir une présence physique dans leur juridiction d’origine.

La normalisation des banques offshore

A la fin des années 1990, les voyageurs sur les lignes transatlantiques pouvaient trouver dans les magazines des compagnies américaines de larges encarts publicitaires passés par un américain de Miami nommé Jérôme Schneider, offrant de constituer sa propre banque à Nauru. La législation de ce petit état du Pacifique permettait à l’époque d’obtenir une licence bancaire, moyennant le payement d’un droit de 10,000 USD, ladite législation ayant été passée après que ledit Schneider ait démarché le gouvernement en question.

Naturellement, ce type d’établissement était bien incapables de remplir les conditions prudentielles exigées par la réglementation internationale, et servaient principalement à ses (heureux) propriétaires de détenir des comptes dans leurs propres établissements sans devoir les déclarer au fisc.

Ledit fisc gouta assez peu la manœuvre, poursuivit Schneider pour incitation à la fraude (et le condamna d’ailleurs) et fit pression sur Nauru pour que sa législation soit abrogée, ce qui était d’autant plus simple que Nauru, n’ayant pas accès à l’eau potable, dépendait entièrement de l’aide internationale. Lorsqu’en 2002 le Monténégro, nouvellement indépendant, eut l’idée de reprendre le flambeau, l’Union Européenne n’eut besoin que de six mois pour y mettre un terme.

La dernière tentative de ce genre fut lancée dans les années 2002/2003 par l’île d’Anjouan, qui tentait alors de faire sécession des Comores.

Le président auto-proclamé d’Anjouan confia la délivrance des licences à un français nommé Lecler, et quelques dizaines d’entre elles furent émises, bien que l’indépendance de l’île ne soit pas reconnue au niveau international, elle parvint même à ouvrir un compte correspondant (qui est la clé permettant d’effectuer des transactions, un établissement qui ne serait reliée à aucun autre ne pourrait effectuer que des transactions internes, autrement dit sans aucun intérêt) auprès d’un établissement ukrainien, puis à offrir elle-même des services aux banques licenciées à Anjouan.

Las, le président se révéla tenté par l’autocratie, et entra en conflit avec son parlement. Dès 2005, la situation devint ubuesque, le président de l’assemblée soutenant le droit de Lecler à délivrer des licences, tandis que le président nommait pour ce faire un singapourien nommé Hon.

La crédibilité déjà faible de la juridiction s’effondra, et le secteur disparut. Parallèlement, une législation américaine fut votée interdisant à tout établissement américain, ou à tout autre entretenant des relations directes ou indirectes de correspondant avec un établissement américain, d’en entretenir simultanément avec des établissements ne respectant pas les critères internationaux, y compris celui de maintenir une présence physique dans sa juridiction d’origine.

Personne au monde ne pouvant se passer de pouvoir effectuer des opérations en dollars, les dernières banques « de papier » fermèrent leurs portes.